Il serait le régime alimentaire le plus adapté à notre organisme. Celui qui permettrait d'éviter toutes les maladies de notre époque tout en nous assurant une santé de fer. Le régime paléolithique, qui correspond à ce que mangeaient nos ancêtres, est en vogue. Que vaut-il vraiment ? Est-il réellement compatible avec notre environnement ? PasseportSanté décrypte pour vous cette nouvelle tendance.
Sommes-nous faits pour manger comme au Paléolithique ?
On le connaît depuis plusieurs années désormais, mais jamais il
n’avait autant séduit. Contrairement aux autres régimes, il n’a pas été
« conçu » par un nutritionniste puisqu’il correspond à ce que les premiers humains mangeaient de façon
naturelle. Il se fonde sur l’hypothèse que l’alimentation moderne n’est
pas génétiquement adaptée à notre espèce et que nous devrions manger comme les
premiers hominidés qui étaient « chasseurs-cueilleurs ». Autrement
dit, notre patrimoine génétique n’aurait pas évolué depuis 40 000 ans
tandis que les modèles alimentaires, eux, ont complètement changé, surtout
depuis le développement de l’élevage et de l’agriculture au Néolithique.
Un
décalage fatal
C’est ce
décalage qui aurait progressivement introduit les maladies dégénératives que ne
connaissaient vraisemblablement pas nos aïeux. Les chercheurs pensent même que
ces derniers seraient capables de rivaliser avec les meilleurs athlètes
modernes. Certains, comme le Dr Jean Seignalet, décédé en 2003, ont même
utilisé ce régime contre des maladies auto-immunes comme la sclérose en
plaques, l’arthrite rhumatoïde ou la fibromyalgie, trois maladies que la
médecine traditionnelle a bien du mal à traiter.
De quoi
se compose-t-il ?
Alors,
depuis plusieurs années, les chercheurs s’évertuent à identifier de manière
précise la composition de ce régime
préhistorique. Même si aucun consensus ne se dégage réellement, les chercheurs
s’accordent sur différents points : durant le Paléolithique, les produits
laitiers, les céréales (dont le pain) et les légumineuses n’en faisaient pas
partie. Les aliments salés, le sucre raffiné, les boissons gazeuses et les
aliments transformés non plus. Par ailleurs, il semble que le régime paléo
était plus riche en protéines et en lipides que le régime moderne. Mais
contrairement aux programmes richement documentés par certains ouvrages, c’est
à peu près tout ce dont on est sûr.
Au-delà
du manque de connaissances sur les modes alimentaires de nos ancêtres, le
régime paléolithique, si séduisant, se heurte à plusieurs limites. Nos aïeux
mangeaient-ils cru ou cuit ? Les régimes n’étaient-ils pas différents en
fonction des zones géographiques ou des cultures ? Une telle diète
est-elle encore adaptée à notre environnement ? Pourquoi le régime
paléolithique conviendrait-il mieux que le régime néolithique ? Nous
allons voir que le concept, si séduisant sur le papier, apparaît finalement
particulièrement bancal...
Tout
savoir sur la préparation d'un régime paléo, les cuissons, les aliments
(fruits, légumes, etc.), ses intérêts (se sentir en pleine forme ? perdre du
poids ?) : le régime paléo à la loupe.
Rédaction :
Martin Lacroix
Mars 2015 |
Est-il possible que l'Homme n'ait pas évolué depuis le
Paléolithique ?
C’est l’une des théories centrales de la diète
paléolithique : le décalage entre nos besoins alimentaires optimaux (liés
à notre patrimoine génétique) et les apports alimentaires modernes. La
sélection naturelle aurait favorisé, au fil des millénaires, les individus
susceptibles de mieux stocker l’énergie sous forme de graisses de manière à
survivre aux famines. C’est la fameuse théorie du gène économe. Ainsi, dans un contexte d’abondance
alimentaire et de consommation d’aliments inadaptés, ces gènes (qui selon la
théorie n’auraient pas évolué depuis) nous conduiraient aujourd’hui à des
maladies telles que le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires.
L’arme se serait retournée contre les hommes en quelque sorte.
Mais
peut-on raisonnablement penser que l’on n’a pas évolué depuis 40 000
ans ? Cela serait une vision beaucoup trop simpliste. De récentes études
montrent clairement que l’Homme a
continué d’évoluer après le Paléolithique, et pendant le Néolithique, peut-être
même à des taux accélérés1. D’ailleurs, il
semblerait que la plupart des évolutions acquises après le Paléolithique soit
directement liées à l’alimentation2. On peut citer par
exemple des variations importantes au niveau des gènes codant pour l’amylase3, une enzyme qui permet la consommation de glucides complexes
(qu’on retrouve surtout dans les graines, les légumineuses et les tubercules),
mais aussi l’apparition de la tolérance au lactose4-7 (grâce au dosage
d’une enzyme appelée lactase). Celle-ci serait d’ailleurs apparue à différents
endroits du globe, et par le biais de mutations tout à fait différentes,
illustrant bien le phénomène d’évolution convergente chez l’homme. Ces exemples ne
représentent qu’une infime partie du spectre des évolutions complexes qui ont
pu intervenir sur des phénomènes comme le métabolisme ou la digestion au cours
des derniers millénaires.
Un régime Paléo ou des régimes Paléo ?
On cherche à tout prix à connaître la composition de ce régime
censé convenir parfaitement à nos besoins génétiques. Mais, la standardisation
à l’échelle planétaire du régime alimentaire moderne ne nous voilerait-il pas
la face ? Se peut-il réellement qu’il n’existait alors qu’un seul
régime ? Très probablement non. Pour l’archéozoologue, Jean-Denis Vigne,
ça ne fait même aucun doute. « Le Paléolithique s’étale sur une très vaste période de plus de 2
millions d’années. Or, au cours de celle-ci, les climats ont considérablement
variés : que l’on songe aux périodes de glaciation ou de
réchauffement ! Ceci implique que les ressources alimentaires disponibles,
qu’elles soient d’origines végétale ou animale, ont-elles-aussi fluctué. [De
plus], il ne faut pas oublier que se sont également succédées au cours de cette
période plusieurs espèces d’hominidés qui avaient des habitudes alimentaires
différentes les unes des autres... »
Selon un
article paru en 2000 dans le American Journal of Clinical Nutrition, le régime
proposé par Loren Cordain ne correspondrait pas du tout à ce que mangeaient
tous nos ancêtres. Certains étaient par exemple davantage herbivores que
carnivores, la chasse ayant vraisemblablement été prédominante seulement dans
les populations vivant en haute altitude. De plus, les hommes préhistoriques
n’avaient pas la liberté de choisir ce qu’ils mangeaient : ils
se nourrissaient de ce qui était disponible, ce qui évidemment,
variait considérablement d’un endroit à l’autre, et d’un moment à l’autre de
l’année.
Les
recherches paléo-anthropologiques1-9 (grâce aux marqueurs
présents dans les os ou l’émail des dents) ont montré l’extraordinaire diversité
des comportements alimentaires de l’époque, témoin de la
flexibilité permise par l’organisme. Les hommes de Néanderthal d’Europe avaient
par exemple un régime particulièrement carné, tandis que Homo Sapiens, notre
espèce, pouvaient se nourrir de produits beaucoup plus variés, comme les
produits de la mer ou des produits d’origine végétale en fonction de leur
localité.
Une alimentation "naturelle" peut-elle vraiment exister
?
Les discours vantant les bienfaits du régime paléolithique
laissent entendre qu’il serait le régime alimentaire le plus naturel qui soit.
Cela équivaut à dire que les Hommes d’antan ne mangeaient spontanément que les
aliments qui étaient les plus adaptés à leur nature. Les défenseurs de cette
théorie oublient qu’il n’existe pas de « sagesse du corps » qui
conduit l’être à choisir les aliments les plus adaptés1-4. La très grande majorité des comportements alimentaires chez
les omnivores dépendent de facteurs sociaux liés à l’apprentissage ou à la culture, y compris dans le
développement des préférences gustatives, des aversions5-6, des tabous alimentaires7-8 ou de la combinaison
de différents aliments9-11.
Par
ailleurs, des études récentes montrent que des facteurs prénatals (l’alimentation de la femme
enceinte) et post-natals (la
transmission de la flore intestinale de la mère à la naissance) influencent le
matériel génétique et provoquent des adaptations physiologiques par rapport à
la digestion et la préférence de certains aliments. Ainsi, ces facteurs peuvent
influencer les risques de contracter des maladies telles que le diabète ou
l’obésité. Il existe donc des paramètres liés à l’environnement et indépendants
du matériel génétique, qui influencent notre rapport aux aliments.
Elevage et agriculture : une vraie responsabilité dans
l'apparition des maladies modernes ?
La théorie principale sur laquelle repose le régime
paléolithique se base sur un bouleversement, voire même une révolution, entre
le Paléolithique et le Néolithique. En effet, la diète typique du Paléolithique
serait idéalement adaptée à l’Homme tandis que celle du Néolithique, marquée
par le début de l’agriculture et de l’élevage, serait le début des fléaux de
l’humanité. Mais cette transition brutale est-elle bien réelle ? Les
maladies modernes sont-elles apparues après cette cassure ?
Une
transition de plusieurs millénaires
En
réalité, la transition entre le Paléolithique et le Néolithique a été très
progressive, dans le temps comme dans l’espace. Il existait
encore, il y a quelques siècles, des sociétés humaines marquées par le mode de
vie paléolithique tandis qu’on fixe généralement ce basculement il y a environ
10 000 ans. Cela signifie que, pris dans son ensemble pour toutes les
sociétés humaines présentes à la surface de la planète, le changement s’est
opéré sur près de dix millénaires. Il semble donc difficile de pouvoir prouver
que l’apparition des maladies est liée à l’agriculture et l’élevage en
s’appuyant sur une échelle de temps... Les adeptes de ce régime expliquent
pourtant que les squelettes liés au mode Paléolithique ne portent aucune trace
d’ostéoporose, à l’inverse de ceux appartenant supposément au Néolithique. Ce
serait la même chose pour les caries.
Ces
observations sont-elles suffisantes pour affirmer que l’homme du Paléolithique
était en meilleure santé ? D’abord, nous avons vu qu’il était difficile de
savoir si les squelettes retrouvés dans les couches archéologiques étaient bien
représentatifs des populations vivant alors et des modes de vie associés.
Ensuite, le problème est que la plupart des maladies modernes (en dehors des
caries) n’apparaissent que chez les personnes
d’un âge avancé et rarement chez les individus jeunes. De
ce fait, il ne paraît pas étonnant de ne pas en retrouver la trace chez les
hominidés du Paléolithique, qui ne vivaient que très rarement au-delà de 25
ans. Du reste, si l’on suit l’évolution de l’espérance de vie humaine à travers
les âges, on s’aperçoit qu’elle oscille, de la fin de la Préhistoire au XIXème
siècle, entre 20 et 30 ans. Elle s’approche aujourd’hui de 70 ans
(principalement grâce aux progrès de la médecine bien sûr) !
L’introduction des céréales, des légumineuses et des produits laitiers a donc
eu un impact relativement faible sur l’espérance de vie...
Le régime Paléo est-il vraiment adopté à notre environnement
actuel ?
L’Homme est probablement à l’aube d’une crise alimentaire sans
précédent. Notre système alimentaire, marqué par une industrialisation jamais
égalée, ne parvient pas à éradiquer la faim. Pire, il favorise l’obésité et de nombreuses maladies. Faut-il pour autant revenir à
l’âge de pierre pour la résoudre ?
Pour
Jean-Louis Amselle, anthropologue, la réponse est négative. « Pendant
longtemps, nous avons vécu selon un principe d’espérance tourné vers l’avenir.
Aujourd’hui c’est terminé », assure-t-il. « On
se tourne vers le passé de l’humanité ou ce qui correspond à ce passé ».
Mais, ce primitivisme est-il vraiment adapté à la réalité et à notre nouvel
environnement ? Aujourd’hui, les écosystèmes et les paysages n’ont plus
rien à voir avec ceux qu’ont connu nos ancêtres du Paléolithique. Jadis
abondants dans la nature, les animaux sont désormais entassés par milliards
dans des fermes industrielles pour répondre à la demande mondiale démesurée. A
l’heure où celle-ci ne pourra bientôt plus être assurée (et à quel prix),
faut-il encourager encore davantage la consommation de viande, en conseillant
le régime paléo ? Une telle perspective ne ferait que dégrader encore
davantage un environnement déjà mis à mal par l’élevage intensif1-2.
Car, s’il
semble bien que le régime paléolithique soit bénéfique contre les risques cardiovasculaires3 et certains troubles métaboliques4, tout le monde ne
pourrait pas en bénéficier. Au contraire de la diète méditerranéenne, pauvre en
viandes, avec un grand respect des cycles saisonniers, et qui compte les mêmes
bienfaits !
Source : passeport sante
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